Depuis quelques années, nous entendons parler de growth hacking à toutes les sauces, à tous les étages. Comme tant d’autres, nous nous y sommes mis. Mais qu’y-a-t-il de si nouveau dans cette philosophie que nous n’aurions pas vu depuis les débuts d’Internet ? Est-ce vraiment révolutionnaire ? Peut-on y échapper ? Autant de questions, et plus, auxquelles je vais essayer de répondre.
NOTE AU LECTEUR : J’ai déjà publié un article sur le sujet (qu’est-ce que le growth hacking ?), mais dans le texte que vous allez lire ici, je m’attarde un peu plus sur les origines de cette philosophie de croissance. Et, je vous invite fortement à visionner l’excellente vidéo d’AD-MIN publiée en fin d’article. Il y explique bien le concept de growth-hacking.
Au début, une philosophie de pirate
L’origine du growth hacking est littérale (growth hacking, signifie « piratage de croissance »). Il était question de « pomper » du trafic, et donc des clients, sur des sites ou sur des marchés qui en avaient beaucoup. Cela se faisait par des moyens légaux, mais déontologiquement discutables. Je ne vais pas y revenir, mais des sociétés comme HOTMAIL, APPLE, DROPBOX, AIRBNB ou encore FACEBOOK en ont largement abusé pour atteindre les niveaux auxquels elles sont aujourd’hui.
Ce piratage s’accompagne toujours d’une viralité maîtrisée (ce qui n’est pas le plus facile).
Évidemment ça a donné des idées de grandeurs à beaucoup d’autres sociétés. Mais ces idées, ces façons de faire un peu « borderline » étaient-elles vraiment nouvelles ? Pas tant que ça.
Avant le growth hacker, il y a le webmaster
Dès la fin des années 90, les éditeurs de sites Web, les webmasters, ont cherché à monétiser leurs sites. Pour ce faire, tous les moyens étaient bons. C’était facile et sans risque : le Web de cette époque, c’était le Far West ! Enfin jusqu’au moment où un nouveau sheriff est arrivé en ville : Google.
Bref, faire du cash sur Internet était un sport qui n’avait que peu de limite. Dès que vous étiez un peu imaginatif, que vous saviez coder et que la chose commerciale ne vous rebutait pas, il y avait moyen de gagner beaucoup d’argent. Et encore plus si votre moralité était élastique…
La méthode de travail était simple, pour ne pas dire simpliste : imaginer, mettre en œuvre, tester, mesurer, apprendre et recommencer. Et quand le meilleur processus était identifié, il suffisait de l’appliquer à grande échelle. Finalement cette approche qui pourrait sembler basique est tout à fait scientifique.
Le webmaster professionnel passait ses journées à suivre ce cercle vertueux… et à remplir son compte en banque ! Il suivait une démarche scientifique sans le savoir, mais peu importe : ça rapportait.
Les sociétés dont je parlais plus haut ont toutes été créées par des Webmasters qui utilisaient cette méthode. En France, nous avons aussi le nôtre : Xavier Niel, fondateur de Free, est un ancien webmaster à la moralité élastique (et c’est une qualité indispensable pour faire des affaires !).
Le growth hacking n’est donc pas nouveau. Mais à une époque où tout doit être nommé par des anglicismes savants, ça fait mieux, ça pète plus que « webmaster ». Puis, comme personne ne sait vraiment de quoi il s’agit, ça donne l’air intelligent à ceux qui disent maîtriser la chose.
Mais vous l’avez compris, un webmaster qui ne serait pas aussi growth hacker est juste un mauvais webmaster. Alors de là à parler de pléonasme… bref, suivons la mode qui ne manquera pas de changer rapidement.
Un bon growth hacker sait qu’il ne sait rien
Une autre qualité indispensable au growth hacker (webmaster ?), c’est qu’il ne sait rien. Enfin, plus précisément, il doit être convaincu de ne rien savoir du comportement des internautes.
Savoir à priori sans avoir vérifié est extrêmement dangereux. C’est un comportement qu’on appelle le « vanity metric ». C’est ce que vous faîtes quand vous décidez que votre site est plus joli en bleu qu’en vert. C’est encore ce que vous faîtes quand une agence vous propose un site très beau et très cher. C’est toujours ce que vous faîtes lorsqu’un référenceur vous indique un mot-clé sur lequel positionner une page de votre site. Vous donnez la parole à votre ego, pas à votre logique.
Décider à la place des internautes de ce qui va les satisfaire est une chose que personne ne peut faire. Ceux qui vous disent le contraire, vous mentent.
Pour éviter le « vanity metric », il faut toujours demander au Web ce qu’il en pense. C’est le cœur de la philosophie du growth hacking.
Profitons-en pour revenir sur le cercle vertueux du growth hacking.
Growth hacking : une méthodologie scientifique
Le travail du scientifique repose essentiellement sur trois piliers : l’expérience, l’analyse et l’apprentissage. C’est exactement la même chose pour un growth hacker. Un rappel de la méthodologie suivie nous fera le plus grand bien !
Imaginer (créer)
La partie la plus fun mais aussi la moins facile. Combien de créateurs de start-ups s’autoproclament growth hacker parce qu’ils utilisent le cold-emailing comme le seul et unique moyen d’aller « pirater » de la croissance ? Beaucoup, croyez-moi. Ils sont nombreux à manquer d’imagination. (NOTE > lisez cet article : La fin du cold-emailing)
Imaginer un moyen de promouvoir son offre de manière inédite et originale est loin d’être une chose facile, c’est même très compliqué. Il existe quelques méthodes efficaces pour y parvenir. Ce sera peut-être l’occasion d’un autre article.
Mettre en œuvre (produire)
Dans cette deuxième étape, il va falloir mettre en musique ce qui a été imaginé. Là, il est préférable d’être développeur et de maitriser les technologies d’Internet. Parce que la sous-traitance à cette étape peut vite coûter très cher et conduire le projet directement à son échec.
Tester (expérimenter)
On lance l’idée concrétisée sur le Web. Moment intense où les cœurs battent plus fort.
Mesurer (analyser)
C’est l’étape angoissante. On espère qu’on a eu la bonne idée et que les internautes vont répondre présents. Je vous rassure, ça n’arrive jamais au premier cycle, même si on y croit à chaque fois.
Apprendre
À la suite de l’analyse des résultats obtenus, on doit apprendre. Pourquoi ça n’a pas fonctionné ? Qu’est-ce qu’on peut modifier pour faire mieux ? Qu’est-ce que les internautes ont aimé ou détesté ? Qu’est-ce qui manque ?
Recommencer
Alors, avec les nouvelles données acquises, on recommence à l’étape initiale. Et, on poursuit le cycle vertueux jusqu’à l’obtention d’un ROI positif, très positif, encore plus positif…
Diffuser
Faire savoir est aussi important que savoir faire (ce n’est pas de moi !) dans ce domaine. Ainsi, quand le “truc” pour acquérir des clients avec un ROI optimisé est identifié, il faut aller en chercher beaucoup d’autres. Pour cela, internet est une arme absolue qui donne accès à des milliards d’individus. C’est à ce moment que l’exponentiel vient modifier la courbe de croissance. Et c’est à ce moment qu’on commence à parler de start-up.
La logique est la colonne vertébrale du growth hacking
Tel le scientifique, le growth hacker met en oeuvre une méthode itérative qui l’éloigne du “vanity metric”. Avec cette façon de faire, il privilégie la logique à l’émotion, la connaissance à l’intuition. Voilà où est le parallèle entre les deux professions.
Sans logique, une action d’acquisition de croissance sur le Web est vouée à l’échec. Il existe bien trop de paramètres pour croire qu’il suffit d’une intuition pour réussir. Pire, penser qu’être présent sur le Web est suffisant pour y gagner des clients est bien plus qu’une utopie, c’est une folie !
Internet est un monde de logique où seule la logique peut y trouver son chemin, pourquoi en serait-il autrement ? Pensez-y lorsque vous souhaiterez développer votre chiffre d’affaires grâce au numérique.